Lettre x représentant une icône de fermeture

© Antonin De Bemels, Mouthface, 2007

Vidéo / clip : nouveau programme sur Vithèque

PROGRAMME

7 octobre 2019 - 7 janvier 2020



Les vidéos de ce programme mettent de l’avant l’acte de chanter : des tubes, de vrais-faux classiques, des compositions originales. Ils renvoient à la relation complexe de l’art vidéo et du « vidéoclip », ce doppelgänger qui s’impose dans les années 80 avec l’apparition de MTV (1981), MuchMusic (1984), et autres MusiquePlus (1986) et qui définira le rapport à la musique de toute une génération. Pour la gloire des uns et le désespoir des autres.

 

► Visionnez gratuitement ces vidéos sur Vithèque :

  • Jean Décarie (Neam Cathod), I Am Monty Cantsin, 1989
  • Antonin De Bemels, Mouthface, 2007
  • Pascal Lièvre et Benny Nemerofsky Ramsay, Patriotic, 2005
  • Dominique Vézina, Que Sera Sera, 1998
  • Sylvie Laliberté, J’ai tout compris, 2001
  • Nathalie Bujold, O.K. Gerard, 2009
  • François Girard, Fog Area, 1985
  • Pascal Lièvre, L’éternel retour, 2012
  • Dennis Day, An Illustrated History of Western Music, 1997

Pour Nam June Paik, la filiation et l’émulation entre clip et art vidéo sont directes et évidentes. Il dira en 1988 :

« MTV’s videoclips have already shown that there is great intimacy between sound and image. People are used to these electronic collages. If you compare them to the underground films of the ’60s, you will find lots of common traits, such as abrupt cuts and unusual angles, among other characteristics. MTV is not the only approach to the issue of sound-and-image, but it is an interesting solution, which has contributed a lot to the development of a « visual music », and to video art. » 1

Puis encore en 1995 :

« I think MTV is great. The first two or three years of MTV were very good -it was a big cultural phenomenon. And we video-artists must take credit for that, because two key persons in MTV were from our lab.You know, their vice-president in technology was practically my engineer. We had what was called the Television Laboratory. And two key persons-the first program director and the first vice president in technology-came from our organization. » 2

Ainsi, Jean Décarie, François Girard ou Antonin De Bemels jouent à plein des codes du clip : incrustations, saturation des couleurs, montage rapide, gros plans. Pour nos yeux modernes, les vidéos de Décarie et Girard semblent délicieusement datés et évoquent immédiatement les années 1980. I Am Monty Cantsin, dans sa débauche d’effets presque agressante, est un hymne punko-révolutionnaire de\pour Monty Cantsin alias Istvan Kantor. Le clip se construit, comme souvent, sur une persona. Girard utilise une autre stratégie commune dans les clips : une ligne narrative minimale qui correspond à l’univers de la chanson de Michel Lemieux, Fog Area. Dans un avion stylisé, notre héro déboule dans une zone industrielle peuplée de personnages identiques. Des chorégraphies de groupe s’ensuivent, frontales et hiérarchisées, avec le chanteur en premier plan. Avec Mouthface, Antonin De Bemels reprend quant à lui la tête chantante, avec un effet à la fois fascinant et horrifique.

De nombreux artistes visuels ont bien sûr intégré la musique à leur pratique. C’est le cas de Kantor, qui se produit régulièrement sur scène, mais aussi de Sylvie Laliberté qui a lancé un premier album en 2000, Dites-le avec des mots, suivi de Ça s’appelle la vie, et de C’est toi mon lieu préféré sur terre. Laliberté déploie dans sa musique la même fausse-vraie naïveté que dans ses vidéos ou ses livres, épinglant de façon saugrenue clichés et vérités quotidiennes. Ainsi de J’ai tout compris et de son esthétique bonbon (littéralement) et légère qui se moque de la révélation amoureuse : « Je sais que la vitesse ne va pas si vite, et que les horizons sont à la maison ». Dominique Vézina se penche aussi sur la condition féminine. Reprenant Que sera sera, chanson par excellence sur le destin, elle se maquille dans des dizaines de plans qui montrent la routine des gestes mais aussi le passage du temps, par les variations des styles et des lieux. La caméra, à laquelle elle fait toujours face, devient son miroir.

Pour d’autres, il s’agit plutôt de s’opposer à l’esthétique du clip. Ainsi de la « petite série de vidéoclips anti-MTV » (2008) de Nathalie Bujold, quatre vidéos où des motifs incongrus (insecte, tulipe, pommes de terre) créent un contrepoint simple et résolument anti spectaculaire à des chansons populaires 3. Le clip est réduit à sa plus simple expression : une chanson et une série d’images. Dans O.K. Gerard, qui s’amusent des clichés de la rock star, un guitariste est soumis à des effets vidéo simples et répétitifs sur fond blanc. Celui qui serait ailleurs à l’arrière plan du chanteur est ici le sujet premier et unique. Le montage crée la musique plutôt que de la soutenir. La performance semble toujours sur le point de commencer.

Ailleurs, on choisit le détournement. La chanson constitue la matière première d’une grande partie du travail vidéo de Pascal Lièvre qui embrasse de façon parodique et politique les tics du clip : stylé, exubérant, entraînant. Le choc se joue dans la rencontre incongrue d’une esthétique et de mélodies pop et de textes politiques ou philosophiques. Ainsi, L’éternel retour met en musique un texte de Alain Badiou et Patriotic un discours de… George W. Bush. An Illustrated History of Western Music déroge à la « règle » de la chanson par clip. C’est toutefois, comme le travail de Lièvre, une petite merveille de détournement de chansons populaires vers un monde volontairement kitsch et queer, ce que n’étaient pas toujours les sources originales. Les trames narratives et les airs s’y enchainent comme en une playlist complexe. Le clip rejoint la comédie musicale, autre grand véhicule imagé de la musique populaire. Ou vice versa.

Si la pertinence culturelle du vidéoclip s’est beaucoup atténuée depuis le début des années 2000, du moins dans les médias traditionnels, l’art vidéo tient bon. Et elle garde un lien viscéral à la musique et à la création sonore, qui produira peut être de nouveaux avatars populaires.

Notes :

1) Entrevue d’Eduardo Kac de 1988 republiée dans : DIVA — Digital & Video Art Fair (A Tribute to Nam June Paik), Cologne, 2005, pp. 8-9.
2) Zurbrugg, Nicholas. « Nam June Paik: An Interview », Visible Language, 29:2, 1995, pp. 122- 137.
3) Ces titres ne peuvent malheureusement pas être présentés ici pour des questions de droits.

 

Image: Antonin De Bemels, Mouthface, 2007

Illustration: Lee Lai

Onze organismes culturels montréalais appuient ou réitèrent l’adhésion à PACBI et réaffirment leur engagement envers la libération de la Palestine

COMMUNIQUÉ DE PRESSE



Dans une forte déclaration de solidarité, onze organisations culturelles de Montréal ont officiellement endossé la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël (PACBI), soulignant ainsi leur engagement envers le mouvement mondial de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS). Cette action collective souligne le rôle essentiel de la culture dans la résistance à l’oppression coloniale et le soutien à la libération de la Palestine. Alors qu’un accord de cessez-le-feu a été en partie conclu, ce soutien affirme que la lutte pour la justice, la résistance et la libération est plus importante que jamais.

Le mouvement BDS, lancé en 2004 par la société civile palestinienne, appelle à une pression soutenue et non violente pour mettre fin au projet colonial israélien et à l’occupation continue des terres palestiniennes. Les revendications du mouvement sont les suivantes :

  • Mettre fin à l’occupation et à la colonisation de toutes les terres palestiniennes et démanteler le mur de l’apartheid ; 
  • Reconnaître le plein droit des Palestinien·ne·s à l’égalité, tant à l’intérieur des frontières de 1948 que dans les territoires occupés ; et 
  • Soutenir le droit des réfugiés palestiniens à retourner dans leurs foyers, tel qu’il est inscrit dans le droit international et dans la résolution 194 de l’ONU.

En soutenant PACBI, ces organisations rejettent la complicité dans la normalisation du régime colonial israélien. Au contraire, elles s’engagent à soutenir l’autodétermination palestinienne en encourageant les pratiques artistiques et les collaborations culturelles qui résistent à l’oppression coloniale et amplifient les voix de la libération.

En octobre 2023, plus de 4 000 artistes et travailleurs culturels canadiens ont signé une lettre de solidarité déclarant : « En tant qu’artistes, travailleur·euse·s culturel·le·s et universitaires, nous soutenons fermement la lutte des Palestinien·ne·s pour la liberté et contre toutes les formes de racisme et de violence coloniale. » Cette déclaration collective souligne la conviction que l’art est intrinsèquement politique et que les artistes ont la responsabilité de se solidariser avec les communautés opprimées, y compris les Palestinien·ne·s. (Hernandez, Cassie. “4,000 Canadian Artists and Cultural Workers Sign Palestine Solidarity Letter.” Hyperallergic, 20 Oct. 2023.) 

Montréal, connue pour son paysage culturel dynamique, a une longue histoire d’engagement dans les luttes mondiales pour la justice. Cette décision collective reflète une prise de conscience croissante, parmi les travailleur·euse·s culturel·le·s, de l’importance de la solidarité internationale dans la lutte contre le colonialisme et l’apartheid.  

Ce soutien intervient à un moment critique, alors que les Palestinien·ne·s sont confrontés à une intensification du vol de terres, à une violence systémique et à des déplacements forcés dans le cadre de l’occupation israélienne en cours. La décision des organisations de rejoindre PACBI est une déclaration longuement attendue que la culture doit s’aligner sur les valeurs de justice et de libération.  

Les organisations qui soutiennent cette initiative se joignent à un mouvement mondial croissant d’artistes, d’universitaires et de travailleur·euse·s culturel·le·s qui s’engagent à soutenir le peuple palestinien dans sa lutte pour la libération et l’autodétermination. Ces organisations espèrent que plus d’organismes voudront adopter PACBI partout au Québec et au Canada.

À ce jour, les organisations suivantes ont unies leurs forces pour appuyer ou réaffirmer leurs engagements à PACBI: Ada X, articule, Atelier La Coulée, Céline Bureau, Centre Clark, Centre des arts actuels SKOL, Dazibao, Metonymy Press, Oboro, PME-ART et Vidéographe. 

 

À propos de PACBI  

La Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël (PACBI) a été lancée en 2004 dans le cadre du mouvement BDS. Elle appelle les institutions culturelles et les individus à refuser de se rendre complices des violations du droit international et des droits de l’homme commises par le régime colonial, en mettant l’accent sur le pouvoir de transformation de la solidarité mondiale. PACBI est engagé en faveur de la liberté d’expression telle qu’elle est stipulée dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies (PIDCP) et rejette, en principe, les boycotts d’individus fondés sur leur opinion ou leur identité (telles que la citoyenneté, la race, le genre ou la religion).